Dans le cadre du projet Breizh Natur’Adapt, six sites pilotes se sont engagés dans une démarche collective d'adaptation au changement climatique inspirée de la méthodologie Natur’Adapt. Ils ont d'abord réalisé une analyse du climat passé, présent et futur et viennent de terminer une deuxième étape…

Les six sites ont réalisé, à l'aide de stagiaires dédiées au projet, l'évaluation des effets potentiels du changement climatique sur les différentes composantes de l'aire protégée : son patrimoine naturel ; les activités humaines dans ou à proximité de son périmètre ; et les outils et moyens de gestion actuels. Cette étape de la démarche permet ainsi d'identifier les vulnérabilités mais aussi les opportunités pouvant émerger pour chaque site face aux évolutions climatiques. Elle aboutit à la production d’un diagnostic intégrant un récit climatique et un récit prospectif, supports essentiels pour orienter l'étape suivante d'adaptation de la gestion.

 

La Réserve naturelle nationale de la baie de Saint-Brieuc

Quelle est la principale conclusion du diagnostic de vulnérabilité et d'opportunité ?

Le patrimoine naturel présente une vulnérabilité forte aux changements climatiques pour la plupart, comme par exemple l'estran, les oiseaux migrateurs et hivernants ou encore l'estuaire. D'autres éléments tels que les dunes ou les prés-salés sont moins vulnérables et présentent des capacités d'adaptation intéressantes. En ce qui concerne les activités humaines, elles sont pour la plupart assez vulnérables, particulièrement la mytiliculture qui est très vulnérable aux changements climatiques. Certaines seront favorisées par ces changements (tourisme, activités de loisir).

Un exemple concret de l'analyse :

Les herbiers de zostères sont principalement exposés aux fortes températures estivales et aux vagues de chaleur, aux tempêtes et dépendent du niveau marin. Globalement en extension aujourd'hui, les herbiers souffriront des vagues de chaleur qui pourront diminuer leur surface. La zostère marine sera défavorisée par l'augmentation des températures contrairement à la zostère naine. Ils pourront néanmoins s'adapter en se déplaçant selon le niveau marin et la place disponible ou en favorisant des adaptations physiologiques.

Herbier de zostères et pêche à pied - plage des Godelins - Binic-Etables-sur-Mer) 

Ce travail de diagnostic a été enrichissant, tant sur le plan mobilisation des acteurs que sur la gestion des différents aspects des changements climatiques et des sujets abordés. Cela a demandé de l'organisation entre la rédaction et la bibliographie, tout en acceptant que cela ne pouvait pas être exhaustif, ce qui a pu parfois être frustrant. 

>> Pour en savoir plus, consultez le diagnostic de vulnérabilité de la RNN et son récit prospectif <<

 

La réserve naturelle nationale des Sept-Iles 

Quelle est la principale conclusion du diagnostic de vulnérabilité et d'opportunité ?

En 2050, les activités humaines ainsi que la gestion se maintiendront, voire se développeront. Mais il sera nécessaire, comme c’est déjà le cas, de s’adapter aux conditions météorologiques, parfois incertaines pour poursuivre ses activités en mer. Le patrimoine naturel, en revanche, sera plus vulnérable, à des degrés différents selon les espèces ou communautés, avec des apparitions possibles ou des disparitions.

Un exemple concret de l'analyse :

Les phoques gris sont principalement affectés par l’augmentation des températures atmosphériques et de l’eau de mer, ainsi que par la montée du niveau marin, pouvant entraîner des modifications sur l’accès des sites de mise bas, la disponibilité des ressources en poissons, voire de la mortalité. Pour y faire face, l’espèce s’adapte avec un régime alimentaire opportunistes, l’accès a des biotopes variés et peut à la marge modifier son cycle phénologique, mais elle reste vulnérable aux facteurs d’origine humaine. Ainsi, les phoques gris sont considérés comme moyennement vulnérable au changement climatique. 

@Armel Deniau

Cette phase de diagnostic a été particulièrement enrichissante sur le plan professionnel avec un important travail relationnel. Les nombreux échanges avec les acteurs et experts du territoire m’ont permis de découvrir la réserve naturelle sous un nouvel angle, en abordant à la fois l’évolution des activités humaines, de la gestion et celle du patrimoine naturel face au changement climatique.

>> Pour en savoir plus, consultez le diagnostic de vulnérabilité de la RNN et son récit prospectif <<

 

La réserve naturelle nationale François le Bail (île de Groix)

Quelle est la principale conclusion du diagnostic de vulnérabilité et d'opportunité ?

Les milieux naturels seront relativement préservés face aux changements climatiques. Le contexte insulaire favorise le développement de milieux adaptés à des conditions sèches, comme les pelouses ou une partie des landes littorales. En revanche, l'estran, à l'interface terre-mer, sera doublement impacté par l'évolution des paramètres climatiques. Les évolutions de l'ensemble des milieux et des espèces est à suivre de près, notamment dans un contexte d'augmentation de la fréquentation touristique.

Un exemple concret de l'analyse :

L'estran, qui occupe plus de la moitié du périmètre actuel de la Réserve naturelle, est le milieu naturel le plus vulnérable de l'île. Affecté à la fois par l'évolution des conditions atmosphériques et océaniques, les organismes seront soumis à un stress important tout au long de l'année et des marées. L'augmentation du niveau marin questionne aussi la capacité de report de l'habitat, en particulier pour les habitats de fond de crique. Certaines espèces arriveront tandis que d'autres disparaîtront, mais on ignore encore comment les relations interspécifiques en seront affectées.

Essaim de moules à Fort Surville, Groix. Photo : RNN Groix.

Travailler sur une telle diversité d'objets a été très stimulant et permet de mieux comprendre la richesse des interconnexions entre le patrimoine naturel et les activités humaines et de gestion. Engranger et synthétiser autant de connaissances par des entretiens et de la bibliographie est très enrichissant, pour soi comme pour la RNN.

>> Pour en savoir plus, consultez le diagnostic de vulnérabilité de la RNN et son récit prospectif <<

 

La réserve naturelle régionale des Landes et marais de Glomel

Quelle est la principale conclusion du diagnostic de vulnérabilité et d'opportunité ? 

Dans leur ensemble, les écosystèmes de la réserve naturelle sont extrêmement vulnérables au changement climatique. Les habitats humides et oligotrophes qui composent l’aire protégée abritent des espèces faunistiques et floristiques liées, entre autres, aux conditions d’humidité et parfois à affinités septentrionales et en limite d'aire de répartition. Certaines de ces espèces apparaissent plus vulnérables (reptiles) lorsque d’autres ont des capacités d’adaptations plus développées (sphaignes). 

Un exemple concret de l'analyse :

La Vipère péliade (Vipera berus), espèce tolérante au froid, compte parmi ses habitats favorables les landes humides. A l’échelle régionale, sa population connaît un fort déclin en raison de la hausse des températures moyennes et de la disparition de ses habitats favorables par fragmentation et diminution de l’humidité des sols. Espèce ectotherme, sa faible plasticité, sa phénologie rigide et sa dépendance à l’habitat font d’elle une espèce très vulnérable au changement climatique. 

© T. Delhorme

Travailler sur la vulnérabilité des écosystèmes face au changement climatique a mis en lumière les interactions fortes qu'entretiennent l'intégralité des espèces, habitats, actions de gestion et activités humaines entres eux. Ce travail a mis en avant la nécessité d'un travail collectif, du recueil des informations et de l'adaptation des stratégies de gestion. 

 

La réserve naturelle régionale des Marais, dunes et baies de Guissény

Quelle est la principale conclusion du diagnostic de vulnérabilité et d'opportunité ? 

Les habitats humides du site devraient se maintenir à court et moyen termes, offrant des conditions favorables à de nombreuses espèces dont les milieux pourraient régresser à l’échelle régionale. Le site jouerait alors un rôle de refuge. À plus long terme, la hausse du niveau marin et les risques de rupture de digue pourraient transformer profondément les écosystèmes, jusqu’à un possible retour de la zone poldérisée à la mer.

Un exemple concret de l'analyse :

Le Liparis de Loesel, espèce des milieux amphibies à très forte responsabilité pour la Réserve, présente une grande variabilité phénologique liée aux cycles d’inondation et d’assec. À court terme, la baisse des précipitations et l’augmentation des périodes d’assec estivales pourrait affecter sa phénologie, mais son adaptation naturelle à ces variations limiterait l’impact. En revanche, à moyen terme, l’élévation du niveau marin modifierait progressivement la salinité du marais et réduirait ses zones de présence. À plus long terme, une réouverture du site à la mer pourrait entraîner la disparition de nombreuses stations.

 

Une légère frustration liée au temps limité, qui n’a pas permis d’approfondir tous les objets comme souhaité. Le diagnostic a toutefois mis en lumière d’importants besoins de connaissance sur le site et sur les réponses des espèces face au changement climatique. Enfin, il souligne les fortes incertitudes liées aux risques de submersion. (potentialité, temporalité, conséquences)

 

Le projet de réserve naturelle régionale des Dunes et paluds bigoudènes

Quelle est la principale conclusion du diagnostic de vulnérabilité et d'opportunité ?

Si, dans l’ensemble, le patrimoine naturel et les actions de gestions semblent vulnérables au changement climatique, les résultats sont plus contrastés pour les activités humaines. Les activités de loisirs seront globalement favorisées à l’inverse de celles exploitant les ressources. Les transformations du trait de côte vont bouleverser les enjeux sur le site, invitant de plus en plus ses gestionnaires à se tourner vers le milieu marin (vent, houle, tempêtes, niveau marin, recul du trait de côte, etc.).

Un exemple concret de l'analyse :

Le changement climatique représente une opportunité très forte pour les activités nautiques sur le site. Par exemple, l’augmentation de la température de l’eau et de l’air favorise la fréquentation du site. La saison et les locations de matériel commencent de plus en plus tôt et s’étalent dans le temps. Les progrès techniques, l’adaptation de l’offre et des horaires de pratiques sont des atouts face au changement climatique.

 

Cette phase de travail a été particulièrement stimulante, autant au niveau intellectuel que relationnel. Réfléchir au lien entre tous les objets s’est avéré très instructif et surprenant. De plus, la rencontre avec les acteurs du territoire a permis de multiplier les points de vue sur la réserve.