Depuis le séminaire de Banyuls et sa mise en situation caniculaire, j’en viens à croire que le consortium Natur’Adapt avait tout anticipé jusqu’à obtenir le soutien de la météo pour ce premier été d’expérimentation ! Entre les vagues de chaleur et les violents orages (ô rage, ô grêle, le toit de notre clio s’en souviendra) tout est propice à ce que le changement climatique et l’adaptation soit au cœur des discussions. Et si certains n’en était pas convaincus, la chaleur ou l’orage, c’est selon, auront surement raison des dernières velléités.
Ainsi entre deux bouffés de chaleur et quelques grêlons, ce mois de juillet a été l’occasion pour la réserve de Chastreix-Sancy d’accueillir le conseil scientifique des réserves naturelles nationales du Massif du Sancy (conseil scientifique commun avec la réserve naturelle nationale de Chaudefour), 3ème opus de ce conseil scientifique lancé en 2018 et 1ère visite in situ. Après une première grosse partie de réunion dédiée à l’évaluation du premier plan de gestion de la réserve (le fameux 14-18), ce fut mon tour d’entrée en piste et de présenter rapidement le Life Natur’Adapt. Je déroule rapidement les enjeux du changement climatique sur le territoire des réserves du Sancy, mes mots se faisant l’écho de ce qui a été discuté précédemment puisque les membres du conseil scientifique ont placé le changement climatique en tête des sujets à retenir pour le prochain plan de gestion. Nous sommes tous conscients de son importance et du rôle que la réserve peut avoir dans la sensibilisation à la question, toutefois une discussion animée s’engagera sur la possibilité de s’y adapter.
Dans le cadre actuel de la protection de la nature, s’adapter avec l’objectif de maintenir le patrimoine naturel tel quel paraît effectivement limité, comme a pu le souligner Christian Amblard, président du conseil scientifique. Dans une vision moins fixiste, plus dynamique, le projet prend plus de sens, l’idée est bien de ne pas subir totalement le changement climatique et d’aller au-delà du rôle d’observation et de documentation des phénomènes et des conséquences du changement climatique. L’ambition du projet Natur’Adapt est d’anticiper, en l’état des connaissances actuelles, les impacts et les interactions multiplicatrices qui existeraient entre le changement climatique et d’autres menaces pesant sur les milieux de la réserve. Et pour cela, Frédéric Serre, géographe et climatologue, a insisté sur la nécessité de croiser compétences et expertise.
Anticiper les changements de pratiques agricoles et de loisirs parait possible et à minima y réfléchir parait pertinent et ce malgré les incertitudes lié au climat futur. Comme l’a exprimé Thierry Leroy, conservateur de Chastreix-Sancy, en réponse aux dubitatifs sur nos connaissances des conditions futures : « nous sommes parties du principe que nous n’avions pas besoin d’en savoir plus, les grandes tendances sont déjà connues […] et grâce à ce programme là on se donne les moyens de réfléchir et de s’orienter dans une perspective à long terme dans le contexte du changement climatique ». Et Amanda Prime, chargée de mission à la réserve, de renchérir, « ce programme et le changement climatique c’est un bon levier pour aller dans la concertation, la discussion avec les acteurs locaux. Travailler ensemble pour identifier les vulnérabilités du territoire, environnementales et socio-économiques ». Le dialogue territorial est d’autant plus indispensable que la gestion des ressources, telle que la ressource en eau, ou encore la maitrise de la fréquentation sont à raisonner à cette échelle. Le projet devra s’intégrer localement à l’existant, en particulier, au groupe de travail mené par le parc naturel régional des Volcans d’Auvergne sur l’avenir du tourisme de neige.
Pour en revenir aux espèces patrimoniales pour lesquelles la réserve possède une responsabilité, il est évident que l’adaptation ne doit pas être du « jardinage ». Certaines espèces et habitats vont être amenés à disparaitre, c’est un fait. Des actions telles que la migration assistée semble contradictoire avec la volonté de « laisser faire » et de naturalité proposée par la réserve pour certains habitats et auquel le conseil scientifique a adhéré quelques minutes auparavant. Et alors que l’habitat du subalpin fait encore figure d’enjeu prioritaire pour le prochain plan de gestion, Thierry Leroy a pu questionner le conseil scientifique : « Est ce qu’il ne faut pas déjà avoir en tête que le subalpin va disparaitre avec la montée du montagnard. Ne faut-il pas réfléchir aux options de gestion et aux orientations possibles dans ce contexte particulier ».
Voilà vers quelles réflexions nous nous dirigeons pour anticiper au mieux l’avenir de la gestion dans la réserve naturelle nationale de Chastreix-Sancy. Affaire à suivre notamment lors d’un prochain conseil scientifique vraisemblablement dédié au programme life Natur’Adapt en 2020.